Tout d’abord j’ai connu plusieurs vagues d’amitié plus ou moins durables. Chacun à sa propre définition du mot amitié. Ma définition personnelle est vraiment large, mais pour faire court : mes amis sont des personnes avec qui, d’une part j’ai passé un moment sympathique plus ou moins long avec envie que cela perdure un peu pour partager d’autres moments de discussion, de voyage, de découverte, de vie et d’autre part pour qui je ressens de la peine lorsque je les sens eux-mêmes en peine, tristes... Cela prouve que j'ai un minimum de sentiment pour eux.
Cela n’empêche pas des niveaux différents dans mes relations d’amitiés, parfois difficile à expliquer ; j’aide un vieil ami qui connaît de graves difficultés personnelles et pourtant tout nous sépare idéologiquement, philosophiquement et même les loisirs, rien ne nous attache sauf des années d’ado et de bonnes rigolades, c’est un vrai ami !
Avant d’approfondir ma réflexion sur ce sujet il me semble important de faire l’inventaire de mes amis car mon analyse dépend entièrement de mon vécu. Pour cette liste, mes critères seront donc : plus d'une année de lien amical après rencontre, se voir au minimum une fois par an (à 2-3 mois près) et ressentir quelques sentiments.
Mes amis actuels, des plus anciens aux plus récents :
Les plus anciens (1969/1972), au nombre de 3 (6 avec leur épouse) :
Mes plus anciens amis, qui étaient 4, datent de l’époque du lycée, l’un d’entre eux est décédé en 2010.
Ceux issus des premiers temps de boulot et de ma vie de famille, au nombre de 8 (4 couples) :
Au départ ils étaient plus nombreux mais à cause de mon divorce, il y en a que je ne vois plus. En revanche, je conserve des liens d’amitiés avec 2 couples, issus de ma belle-famille, nous nous aimions bien et nous n’avons pas voulu que nos relations cessent à cause de la rupture…
Ceux issus de mon époque d’élu et du village (1977/1989), ils sont maintenant hors critère mais impactent mon analyse :
Cette époque est une des plus belles pages de ma vie. Nous étions une bande de copains, copines et nous passions beaucoup de temps à nous voir pour animer le village. Des liens d’amitiés s’étaient créés avec certains. Je les ai tous perdus de vue à cause du déménagement mais aussi à cause de mon divorce, en effet pendant quelques années je fuyais les moments, les souvenirs qui me rappelaient ma vie de famille. A la suite du décès d’un de la bande en septembre, j’ai renoué des liens. Des complices de ces bons moments souhaitent qu’on se revoie… On verra…
Ceux issus de mon boulot (1982/2008), périodes troubles… Que des dames… maintenant aussi hors critère mais elles impactent aussi mon analyse :
Une période de jeux de cœur, de tentations, d’émotions, de transgressions où en tant qu’homme je me suis le plus épanoui mais j’y ai abimé ma vie de famille. Ces amitiés étaient éphémères sans consistance. Mais pourtant c’est aussi une de mes plus belles pages de ma vie. Dès ma retraite, je n’ai conservé que 3 ou 4 relations dont celle avec qui j’avais le plus de complicité, de choses à partager, celle qui a quitté ce monde en septembre 2013. A part elle, peu à peu j’ai perdu de vues les autres.
Celle qui, après ma rupture familiale, m’a accompagné pendant 4/5 ans et qui est restée une amie.
Nous avons partagé de jolis moments d’amour. Le temps les a peut-être usés. Aujourd’hui nous restons amis.
Mes compagnons de voyage, une trentaine actuellement... pour combien de temps…
J’allais dire c’est ici que je trouve l’amitié la plus éphémère mais après avoir regardé les dates des voyages desquels ils me restent encore des amis, je suis surpris ! A savoir quand je dis amis de voyage ce sont les personnes avec qui j’avais envie de garder des liens après, pour moult raisons et bien entendu des liens qui perdurent dans le temps, plus d’une année après.
D’un voyage fait en Inde en 2006, ils me restent 6 amis (1 couple, 1 ami, 3 amies), nous nous voyons souvent (surtout les parisiens) et ensemble on essaie de se faire un voyage par an, en 2013 c’était une semaine sur Belle-Ile. Avec 3 d’entre eux nous nous voyons souvent notamment pour des randos franciliennes.
D’un voyage en Crête en 2007, ils me restent 4 amis (2 couples) que je ne compte pas dans la trentaine car hors critère, il ne reste que des contacts par courriel (vœux, annonce de projet de voyage,…). 1 des couples me relance régulièrement pour que je passe les voir… Je viens de leur dire que j’étais surbooké en 2014 et ça m’a fait de la peine de leur dire ça…
D’un voyage « Trek et Méditation » au Népal en 2007, ils me restent 3 amis. Mais là, je commence à sentir une certaine fragilité dans la pérennité, notamment avec les deux plus éloignés géographiquement. Merci à l’une d’entre eux pour rallumer régulièrement cette belle flamme d’amitié !
D’un voyage au Ladakh en 2008, en plus des 3 amis cités ci-dessus qui faisaient partie aussi de ce voyage, il me restait une amie, mais depuis son départ en Bretagne, fin 2011, nous n’avons plus que des contacts très espacés par courriel, elle est donc maintenant hors critère même si je pense encore souvent à elle. De l’âge de mes enfants, j’aimais sa fraicheur, ses envies, ses projets, mais sûrement aussi sa jeunesse. Peut-être me sentais-je un peu père pour elle… en tout cas ami…
De mon voyage en « solitaire » sur le sentier de Stevenson en 2011, je me suis fait 4 amis (1 couple et 2 amies) et depuis nous nous retrouvions, chaque année, pour 1 semaine de rando. Cette année, 2014, je leur ai dit que je ne serai pas disponible. Suis-je le « vilain petit canard » ? Cela me peine un peu car la semaine de rando ne se fera pas…
Ah ! De mon superbe voyage Zam Zam 2012 au Népal, je conserve encore, après presque 2 ans, 15 amis ! (1 couple, 4 amis, 10 amies) Mais ça va vite s’effilocher, c’est évident… Il m’en restera sûrement mais beaucoup moins, je fais quelques randos franciliennes avec 2 d’entre elles et je partagerai d’autres voyages avec elles et d’autres... Il est évident qu’avec certains, certaines j’ai vécu de moments tellement forts que je n’ai pas envi que les liens cessent…
De tous ces voyages j’ai aussi 5 ou 6 amis facebook mais je ne les compte pas dans la trentaine, car on ne se voit plus même si nous communiquons par facebook de temps en temps.
Donc je décompte, avec mes critères, plus de 40 amis… C’est vrai que vivant seul il est certainement plus facile de conserver des liens d’amitiés…
De fréquentes rencontres pérennisent l’amitié, mais se rencontrer pourquoi ?
Il me semble évident que plus les rencontres sont espacées, plus il y a des risques de voir se rompre les liens d’amitié. Mais pourquoi les rencontres diminuent ? Je pense qu’il y a deux raisons essentielles : d’une part l’ennui, les amis n’ont plus grand chose à se dire et ne se sont pas créés d’autres occasions de partage et d’autre part l’éloignement en effet il est plus difficile de combler l’ennui par d’autres situations que les discussions, comme des randos, des sorties conférences, cinémas, expositions,…
Pour mes amis de 40 ans, nous avons vécu 3 ans de lycée ensemble, nous ne nous sommes pas perdus de vue, nous avons continué à nous fréquenter souvent pour des sorties, des bringues. On connaissait nos parents et ensuite certaines de nos copines sont devenues épouses de l’un ou de l’autre et bien entendu les enfants arrivèrent. Bref quand nous nous rencontrons maintenant nous sommes intarissables sur les sujets de conversation, jamais d’ennui, nous sommes riches de souvenirs. Il n’y a donc jamais de lassitude dans nos rencontres. Avec mes plus vieux amis si on se voit souvent, jamais nous n’avons partagé de loisirs ensemble (voyages, etc.), à part avec l’un d’entre eux.
Il en est de même pour ceux que j’ai conservé de mes premières années de boulot et de famille. Nous avons partagé beaucoup de moments ensemble, au boulot comme dans les phases de famille (bébé, gamins, ados, premières difficultés d’adultes). Encore une fois, nous avons de nombreux sujets de discussion et, avec eux, de plus on aborde facilement les sujets politiques, étant de même sensibilité.
Pour les amis de voyage, là où la pérennité est la plus fragile, les rencontres s’espacent plus facilement et finissent par disparaître. Bien entendu nous avons beaucoup moins de souvenirs en commun et les sujets de nos rencontres se focalisent sur les voyages. Les seuls qui durent dans le temps sont ceux avec qui j’ai fait d’autres voyages ou, étant géographiquement proches des sorties de week-end (randos, expos,…). Une particularité avec deux d’entre eux, en plus de souvenirs de voyages nous avions des sujets de discussions intéressants (bouddhisme, environnement, civilisation,…).
L’ami déclencheur des occasions de rencontres…
Il est évident que les rencontres sont issues d’initiatives personnelles. Avec mes « vieux » amis, il y en a toujours un pour s’alarmer du temps qui passe sans se voir et ça déclenche une nouvelle série de repas ensemble. Parfois c’est aussi pour aider celui qui se retrouve en difficulté personnelle. Bref nous sommes tous un peu déclencheur d’occasions.
Pour les amis de voyages, il y a toujours quelqu’un à l’initiative de la 1ère rencontre après voyage, mais ça pourrait s’arrêter là si d’autres ne relançaient pas de nouvelles rencontres. Pour les groupes d’amis que j’ai encore de ces voyages, il y a toujours un déclencheur (propositions de voyages, de sorties, de randos) mais souvent c’est la même personne et si cette dernière lève le pied les rencontres peuvent cesser, sauf si quelqu’un prend la relève.
Mes ruptures d’amitié…
Tout d’abord, quand j’analyse mes ruptures je vois que cela ne concerne que les amitiés récentes (moins de 10 ans), en gros celles issues des voyages… En effet, pour mes vieux amis, les liens sont tellement forts que même si on se dispute, on s’engueule, on finit toujours par se retrouver.
Pas de réciprocité : lorsque je sens qu’il n’y a pas la même envie de faire perdurer l’amitié, rapidement je cesse les liens. Parfois cela me faisait un peu de mal, mais c’était avant mes réflexions bouddhistes, maintenant je relativise facilement (c’était hier, aujourd’hui est un autre jour… Impermanence…) ; mais le côté un peu négatif est que je relance maintenant rarement, pour fuir les déceptions au cas où, j’ignore le désir, le plaisir d’amitié d’hier…
Perte d’intérêt : Comme cette réflexion est terrible ! Mais pourtant c’est un réel constat, même si cela peut être inconscient. En fin de compte c’est un intérêt de bien-être : je suis bien avec untel car on se rappelle tellement de bons souvenirs, je suis bien avec untel car nous partageons de bons moments ensemble (randos, voyages, etc.), je suis bien avec untel car on partage de mêmes rêves de projets, d’idéaux, d’avenir. Je suis bien avec untel car on s’amuse bien. Parfois avec des amis, je peux regrouper tous ces éléments. Mais si je n’ai plus un seul de ces intérêts, je ne donne plus signe de vie, pas dans un acte volontaire mais de fait ; surtout si de leur côté il n’y a plus de relance (ils doivent se retrouver dans la même situation)…
L’éloignement : lorsque les intérêts « intellectuels » s’estompent, les rencontres du style randos, sorties (conférence, cinéma, théâtre, expos,…) maintiennent les relations. Mais malheureusement parfois la distance ne le permet pas et cet éloignement devient une cause de fin d’amitié.
Un cas rare, l’ambiguïté : dans les relations d’amitié « hommes/femmes », parfois l’arrivée d’autres sentiments viennent détruire cette amitié. Cela m’est arrivé et peut encore m’arriver, de mon fait ou non. (lire mon article sur ce sujet, j’y vois en le relisant d’ailleurs que j’ai un peu évolué dans ma notion d’amitié).
Conclusion :
Comme je le disais en introduction, chacun a sa propre définition de l’amitié. Pour moi, avec un ami j’ai parfois des relations plus privilégiées qu’avec ma propre famille, sœur, frères et cousins. Mes amis peuvent me connaître mieux que ma famille, ça c’est un vrai critère. Je peux perdre de vue des amis comme c’est aussi le cas avec des cousins germains, même cela peut arriver aussi avec un frère.
L’amitié n’a pas une obligation d’éternité, elle peut-être réelle et pourtant éphémère à cause de moult raisons comme dit plus haut. Mais un ami restera dans mes souvenirs, dans ma mémoire. « Plusieurs personnes entrent et sortent de nos vies, seuls les vrais amis laissent une empreinte sur nos cœurs. » (Antoine Chuquet)
L’amitié c’est être plein de compassion, ne pas voir (ou savoir) ses amis tristes, malheureux.
Si on dit que l’amour est plus fort que l’amitié, l’engagement à vie n’est pas un critère d’amitié car ce n’est déjà pas le cas pour l’amour, pourtant si puissant, si on regarde le nombre de couples qui se séparent au bout de quelques années…
Un dernier message pour mes amis : je vous aime et si, à cause des aléas de la vie, on ne se voit plus, vous resterez toujours dans mes souvenirs et vous ferez partie du grand livre de ma vie.
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