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13 novembre 2011 7 13 /11 /novembre /2011 15:24

Bouddha ne croyait pas en la réincarnation. C'est ma conviction. Pourtant il ne l'a jamais dit comme il n'a jamais dit qu'il croyait à la réincarnation.


A l'époque de Bouddha tous ses contemporains croyaient en la réincarnation, la religion dominante était l'hindouisme, même les nouvelles religions apparues, tel le jaïnisme, y croyaient. Ailleurs si on n'y croyait pas on était convaincu tout de même à une nouvelle vie après la mort.

Il est évident que Bouddha, s'il voulait continuer à pratiquer son enseignement s'il voulait qu'on vienne l'écouter, ne devait pas rentrer dans un conflit intellectuel, religieux ; il ne fallait pas que les brahmanes ou autres prêtres viennent interdire son enseignement qui serait en complète opposition aux fondamentaux de leur propre religion. De plus, que la réincarnation existe ou n'existe pas n'avait que très peu d'importance par rapport à sa doctrine, son enseignement.

Dans l'histoire nous avons connu beaucoup d'autres cas de scientifiques ou de philosophes qui devaient taire leurs propres convictions pour pouvoir poursuivre leurs études. Darwin, notamment, afin de ne pas être qualifié d'hérétique, pendant longtemps ne se confia qu'à ses amis les plus proches sur ses hypothèses de l'évolution des espèces ; Galilée, aussi, connaissant le sort qui avait été réservé à ceux qui prétendaient que la terre n'était pas le centre de l'univers attendit l'amoncellement de preuves scientifiques avant de dévoiler ses résultats, il en fut tout de même condamné. Aussi je pense que Bouddha était dans la même situation mais en revanche, contrairement à eux, ce sujet, la réincarnation ne faisait pas partie de ses réflexions ni de son enseignement ; il n'avait pas à en débattre.

 

Maintenant je vais essayer d'expliquer pourquoi je suis convaincu que Bouddha ne croyait quand une seule vie.

 

Tout d'abord, pour nous amener sur le chemin de la cessation de toutes les souffrances il nous met en évidence certaines notions comme l'impermanence, l'interdépendance, la vacuité, le non-soi, etc. La vacuité et le non-soi, ne sont pas, pour moi, conciliable avec l'idée d'une autre vie après la mort. En introduction d'un des sermons de Bouddha le « Cula-Sunnata-sutta », Môham Wijayaratma rappelle, d’ailleurs, que comprendre la vacuité permet d'acquérir la capacité de rester détaché des opinions fausses, comme l'idée de l'âme, l'idée d'un Soi personnel, éternel, etc. donc dans ces conditions il est difficile de croire à une vie après la mort quelle qu'elle soit.

 

Dans un autre sermon de Bouddha, le « Sivaka sutta », qu'on peut traduire par « les actions et leurs résultats » Bouddha est interrogé ainsi :

« Il y a, honorable Gotama, des samanas et des brahmanes qui soutiennent cette opinion et disent : « toutes les sensations joyeuses, ou douloureuses, ou neutres, éprouvées par tel ou tel individu dépendent des actions qu'il a commises dans le passé. » À ce propos, qu'avez-vous à dire, honorable Gotama ? ».

Ici Sivaka, l'interrogateur, aborde la notion de karma et de Samsara (le cycle des vies, de renaissance en renaissance), c'est d'ailleurs dans l'hindouisme des notions qui permettent de justifier la situation des castes (on ne naît pas noble ou intouchable par hasard, mais bien en vertu des mérites ou des fautes qu'on a accumulés dans sa vie précédente). Dans sa réponse Bouddha, comme à son habitude, veut être pédagogique. Ainsi il va prendre des exemples de la vie quotidienne qui sont des faits réels :


« O Sivaka, il y a aussi des sensations qui se produisent à cause de la bile. Vous pouvez savoir par votre propre expérience qu'il y a aussi des sensations qui se produisent à cause de la bile. Le fait de l'existence de sensations qui ont la bile pour origine est généralement reconnu par le monde comme vrai. Dans ce cas-là, ô Sivaka, les samanas et les brahmanes qui disent « toutes les sensations joyeuses, ou douloureuses, ou neutres, éprouvées par tel ou tel individu dépend des actions qu'il a commises dans le passé » vont trop loin des faits qu'on peut reconnaître par l'expérience personnelle et des faits généralement reconnus par le monde. À cause de cela je dis que l'opinion de ces samanas et de ces brahmanes n'est pas correcte. »


Après la bile, Bouddha va prendre d'autres exemples comme le flegme, le souffle, les humeurs du corps, le changement des saisons. Ainsi il démontre à Sivaka que dans ces exemples nous faisons l'expérience de faits réels, vécus et que bien entendu tout le monde les validait. En revanche dire que les actions d'une vie passée influaient sur la vie présente ne découlaient d'aucune expérience vécue et que ainsi l'opinion des samanas et des brahmanes n'est pas correcte. Le maître bouddhiste qui a écrit le texte, bien après la mort de Bouddha, va en faire une analyse liée à ses propres convictions. Il en déduira que les actions d'une vie du passé constituent des causes importantes au même titre que les causes provenant des quatre autres lois naturelles du vivant. Bien entendu, personnellement je ne pense pas la même chose, je crois que Bouddha (ne croyant pas lui-même à de multiples vies) veut démontrer que n'ayant aucune preuve de ces expériences il n’était pas nécessaire de s'y attarder. En bref, il balaie d'une main les opinions des brahmanes pour continuer ses enseignements liés au moment présent.

 

J'ai trouvé aussi un entretien avec de jeunes religieux errants d'origine brahmanes particulièrement intéressant. Ce texte appelé « Uttiya-sutta » est un échange sur des questions métaphysiques. Voici un extrait du dialogue :


"A votre avis, honorable Gotama, l'être libéré existe-t-il après la mort ? Pensez-vous que cette opinion seule est la vérité et que le reste n'est qu'absurdité ?"

"Non, ô Uttiya (l’un des jeunes religieux), je n'ai pas dit que l'être libéré existe après la mort, tout cela seul est vérité est que le reste n'est qu’absurdité".

"A votre avis, honorable Gotama, l'être libéré n’existe pas après la mort ? Pensez-vous que cette opinion seule est la vérité et que le reste n'est qu'absurdité ?"

" Non, ô Uttiya, je n'ai pas dit que l'être libéré n’existe pas après la mort, tout cela seul est vérité est que le reste n'est qu’absurdité."


Je vois encore ici que sur une question sur la vie après la mort (cela concerne aussi la réincarnation) Bouddha se contente de dire qu'il n'a rien dit… Personnellement j'en déduis qu'il ne souhaite pas dire le fond de sa pensée.

Un peu plus loin Uttiya insiste encore, Bouddha lui répond :


"Non, ô Uttiya, je n'ai pas dit que l'être libéré n’est ni existant ni non existant après la mort, que cette opinion seule est la vérité, que le reste n'est qu’absurdité."

"Or,Si vous n'avez pas dit tout ça, honorable Gotama, dites-moi ce que vous avez dit."

"Avec plein de compréhension, ô Uttiya, j'enseigne la doctrine aux auditeurs et cette doctrine là a pour but la pureté, la suppression du chagrin et du désespoir, la fin de la souffrance et de la dépression, l'intention de la haute sagesse et la réalisation du Nirvana."


Ici je vois clairement Bouddha rappeler que toutes ses propres interventions ne sont liées qu’à l’enseignement sur la vérité de la souffrance, l'origine de la souffrance, la cessation de la souffrance et le chemin menant à la fin de la souffrance. Bref il n'enseigne sur rien d’autres, donc rien sur ces questions métaphysiques.


Si personnellement, je suis convaincu que Bouddha ne croyait pas à la réincarnation, il est évident que toutes les écoles, tous les courants du bouddhisme sont convaincus du contraire… Avec humour je dis que je suis bouddhiste lié au 4ème véhicule, mon véhicule… (Voir aussi mon article précédent)

Pour connaître tous mes articles sur le bouddhisme, commencer par celui-ci : "Je suis bouddhiste..." 

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commentaires

L
La réincarnation n'existe pas. Une personne ne se réincarne pas. Il n'y a rien à réincarner si ce n'est les agrégats. La réincarnation existe. Un mouvement perdure. Le tathāgata n'existe pas, et n'atteint aucun éveil en tant que personne ; en tant que mouvement, le tathagata n'est pas un tathagata. Rien ne se perd, rien ne se crée tout se transforme. <br /> Le sutra du diamant aide aussi à éclaircir ce point.
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S
Bonjour sagamartial,<br /> Je suis heureux de lire ton texte. Figures-toi que j'ai la même intuission que toi. (Connais-tu d'autres personnes qui partage cette vision ?)<br /> Je suis arrivé à cette conclusion pour divers raisons. <br /> <br /> Tout d'abord les justifications à l'anatman qui collent à la réincarnation, me semble toujours être des pirouettes qui manquent de clarté. Soit quelque-chose migre, soit rien ne migre. Un principe qui n'est pas une âme, mais qui poursuit son existence dans une autre vie... À la limite la réutilisation de se qui nous a constitué poursuit le cycle de la vie. Mais ce n'est plus de la réincarnation à proprement parler.<br /> <br /> Deuxième point le bouddha dit à ses disciples de ne pas le croire sur parole mais de faire l'expérience par eux mêmes de son enseignement. Donc exit le réincarnation dont on ne peut pas faire l'expérience au cours de sa vie.<br /> <br /> Troisième point : dans l'un de ses discours bouddha refuse de répondre à des questions métaphysique tel que l'univers est-il fini ou infini (ce qui est d'une pertinence assez remarquable je trouve, par son rationalisme) car ces questions sont sans importance pour atteindre l'éveil qui se trouve dans le présent.<br /> D'accord ici on n'aborde pas directement la réincarnation, mais cela en limite tout de même grandement l'importance.<br /> <br /> Et l'ultime point c'est que le bouddha à sa mort atteint le parinirvana, donc il quitte le cycle des réincarnations pour aller où ? Ici encore pas de réponse, mais en gros il dit : moi qui me suis éveillé je quitte le cycle des renaissances, de là à comprendre qu'il dit tout simplement qu'il n'y a pas de renaissance et que c'est une condition de l'éveil que de le réaliser... Il n'y a qu'un pas que je saute sans hésiter !<br /> <br /> Le désir, la soif de s'accrocher à l'être même au delà de la mort, fait aussi partie de doukka et je pense aussi que le bouddha l'a vaincu sans pouvoir l'affirmer ouvertement à ses disciples.<br /> Cet vision des choses me semble bien plus cohérente avec l'ensemble de son enseignement, même si je reconnais l'aspect relativement spéculatif de cet avis ( peut être voit-on ce que l'on veut bien voir). Au moins est-il dans un doute ouvert à toutes les possibilités rien ou quelque-chose peu importe quoi...<br /> <br /> En tout cas encore merci pour ce partage, je vais visiter le reste de ton site.<br /> <br /> Cordialement,<br /> Stéphane
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J
Au fait, je viens de lire ton texte précédant dans lequel tu dis : "Selon mes propres lectures le nirvana est lié à l’éveil, la compréhension parfaite et la réalisation des « quatre nobles vérités » qui permet d’échapper complètement à la souffrance et aux renaissances". N'y a-t'il pas contradiction avec ce que tu avances ici, ou bien veux-tu dire que tu ne souscris pas personnellement entièrement à ce que tu as lu ?
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S
Effectivement on pourrait y voir une contradiction mais c'est une citation et non ma pensée. Et comme je le dis, à un moment, de toute façon Bouddha ne veut pas se mettre en opposition aux croyances de l'époque et de plus ses enseignements ne visent que la fin de toutes souffrances et dans l'hindouisme (religion majoritaire de l'époque) la réincarnation est souvent cause de souffrance (notamment elle justifie les castes). Pour terminer, les contradictions existent même dans les textes mais n'oublions pas qu'ils ont été rédigés, plus d'un siècle après sa disparition, par des maîtres qui croyaient, par leur culture, fortement à la réincarnation et ses maux.<br /> Enfin je crois (et là c'est ma pensée) que les leçons de Bouddha ne visaient qu'à faire taire les souffrances d'un présent (hier c'était le moi d'hier, aujourd'hui c'est un autre moi et demain ce sera un autre moi - des renaissances ?), et dans cet enseignement il doit se mettre aussi à la place de ceux qui écoutent et doit adapter ses paroles à leurs traditions religieuses, sa propre tradition religieuse. Et je suis vraiment convaincu qu'il ne cherchait pas à créer une religion mais bien à aider ses compatriotes à moins souffrir (toutes sortes de souffrance) et donc laisser ses disciples croire à une réincarnation n'était pas contradictoire à sa doctrine.
J
Intéressant mais il semble bien que pour Bouddha il y avait des "demeures passées" (voir le Samaññaphala Sutta: http://www.accesstoinsight.org/tipitaka/dn/dn.02.0.than.html , chapitre "Recollection Of Past Lives"), mais que néanmoins nous ne sommes effectivement pas entièrement déterminés par celles-ci et que l'éveil est accessible à tous au prix d'un effort plus ou moins important...
Répondre
C
<br /> Voie Blog(fermaton.over-blog.com)No.8- J'arrive ou je suis né ?<br />
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